C’est indéniablement l’une des perspectives qui réjouit le plus Be education cette année: la collaboration entre la Fondation Roi Baudouin et notre réseau, afin de poursuivre l’objectif commun de proposer un enseignement égalitaire et de qualité en Belgique. Ce partenariat amène également Farah Ridane, responsable du volet Enseignement et Développement des talents à la Fondation, à siéger à notre conseil d’administration.
En octobre dernier, notre équipe a eu la chance de discuter avec elle pendant plus d’une heure, l’occasion pour nous de vous partager sa vision de l’éducation, de la philanthropie et de son implication au sein de Be education.
Bonjour Farah, merci d’avoir accepté cet entretien. Aujourd’hui, tu es en charge du volet Enseignement et Développement des talents à la Fondation Roi Baudouin (FRB). Pourrais-tu nous expliquer les objectifs que vous souhaitez accomplir à travers ce volet ?
Au niveau de l’enseignement, nous avons actuellement deux grands objectifs: l’égalité des chances et la qualité et l’innovation dans l’enseignement.
Pour la partie talent, nous souhaitons amplifier la voix des jeunes, surtout celles et ceux qu’on n’a pas l’habitude d’entendre ou qui sont souvent stigmatisés, comme les jeunes en situation de vulnérabilité.
Nous avons également une partie réussite et excellence, à travers laquelle nous désirons identifier assez tôt des jeunes avec un parcours remarquable ou avec le potentiel d’un parcours remarquable, en leur donnant un coup de pouce: faciliter l’accès à des formations, à un master, un doctorat ou même à de la recherche pour celles et ceux qui n’ont pas les ressources, les moyens ou le réseau de le faire. Nous voudrions les aider à développer leur potentiel à la réussite en faisant tomber les différentes barrières qui pourraient les bloquer. Nous souhaitons également faire rayonner les talents belges en Belgique et à l’international.
Enfin, notre volet “collective impact” est beaucoup plus transversal. Par ce biais-là, nous voudrions rassembler les acteurs de l’écosystème, créer des dialogues, créer des espaces de rencontres, de collaboration et de renforcement mutuel de compétences. C’est d’ailleurs dans notre volonté de créer certains réseaux que Be education s’est imposé comme une évidence. Le réseau existant déjà, nous avons préféré le renforcer plutôt que d’en créer un de toute pièce.
Selon toi, quels sont les challenges propres à l’enseignement pour lesquels la philanthropie pourrait avoir un effet de levier ?
La philanthropie, par définition, ce sont des organisations ou des personnes qui veulent contribuer à créer une meilleure société. Dans le cas de la FRB, on a un positionnement assez unique: neutre politiquement, indépendant, doté d’une grande légitimité construite au fil du temps, en contact avec beaucoup d’acteurs… Le message qu’on peut porter sur des sujets de société ou sur certains enjeux peut amplifier la voix des philanthropes. Quand on s’exprime sur un sujet, que ce soit à travers des baromètres, des interviews, des plaidoyers, des appels à projets ou notre présence auprès d’un conseil d’administration, ce sont des messages forts. Nous désirons donc ouvrir des portes, sensibiliser et soutenir des acteurs de terrain qui font du super boulot.
Lorsque nous travaillons sur des missions, nous le faisons à la fois au contact d’institutions et à la fois sur le terrain, au contact de profils plus “entrepreneurs sociaux”, en les soutenant, en les finançant. Je pense que c’est vraiment l’une de nos forces, on peut connecter plein d’acteurs entre eux, parce qu’on est conscient des réalités. On est aussi au contact direct des jeunes, des bénéficiaires. On est très lucides sur leur réalité, sur leur contexte familial, on est un catalyseur entre toutes ces voix. Nous avons une responsabilité sociétale de faire entendre la voix de celles et ceux qu’on entend peu ou qu’on n’entend pas.
Dans l’enseignement, il y a quand même beaucoup de choses qui sont en train de se passer avec le Pacte. Donner la parole aux personnes concernées, comme les enseignantes et les enseignants, les directions, les établissements, les jeunes, ou les parents, ça nous semble essentiel.
Sur votre site, on constate que vous souhaitez proposer et participer à une société plus inclusive, un enseignement plus inclusif. Et toi, l’inclusion, qu’est-ce que ça t’évoque ?
La vision d’une bonne inclusion en Belgique, ce serait, par exemple, que chaque élève, indépendamment du niveau d’études de ses parents, de la langue qu’il parle à la maison, du quartier dans lequel il vit, des capacités financières des parents, ait accès à un enseignement de qualité et équitable.
Idéalement, on voudrait que chaque enfant puisse évoluer, exploiter son plein potentiel et apprendre sereinement, sans être en tension entre la culture scolaire et la culture à la maison. Les enfants sont parfois tiraillés entre ce dont ils ont envie, ce qu’il se passe à l’école et ce que les parents mettent en place à la maison.
A la Fondation, on a beaucoup travaillé et réfléchi aux inégalités scolaires, plus exactement aux iniquités. On constate que, dès la maternelle, l’écart se creuse entre les élèves issus de familles aisées et les autres. Aujourd’hui, les professionnels ne sont pas suffisamment équipés, que ce soit dans la formation initiale ou continue, pour accompagner les jeunes dans un suivi plus personnalisé. On aspire donc à ce qu’il y ait un vrai dialogue et une alliance éducative forte autour de l’enfant, sous forme du triangle enfant – parents – professionnels de l’éducation.
Difficile de parler de ton parcours, sans évoquer l’incroyable aventure de Boost for Talents (et vice versa). Le programme fait d’ailleurs partie de notre réseau depuis février. Tu as été directrice pendant plusieurs années. Est-ce que tu peux nous parler un peu ?
Boost, c’est un programme qui vise à maximiser les chances de réussite de jeunes issus de milieux socio-économiques fragilisés en les aidant à identifier et développer leur propre potentiel à travers un accompagnement adapté.
Boost, c’est la preuve qu’avec du soutien individuel, avec de la confiance en soi, avec l’accès à des informations, à un réseau, on peut transformer le parcours de vie de nombreux jeunes.
C’est en activant quelques petits leviers que tu peux changer la vie de quelqu’un. Alors ça, c’est à l’échelle de Boost, mais c’est aussi la même chose au niveau de la Fondation. On cherche toujours les leviers à activer en tant qu’acteur philanthropique pour changer les parcours des individus et contribuer à l’amélioration du système éducatif aussi. On adopte une vision et des actions individuelles et collectives.
L’équipe de Be education a déjà assisté à plusieurs événements Boost et en est ressortie ébahie, avec une impression qui relève presque de la magie. Comment expliques-tu cette étincelle que les jeunes provoquent en nous ?
Beaucoup d’éléments font de Boost un programme unique.
Tout d’abord, ils sont jeunes, donc on a tendance à s’identifier. Ça réveille en nous un sentiment qui relève de l’enfance et de la jeune adolescence, où tu rêves de plein de choses, où tout est encore possible.
Ensuite, ce sont des jeunes qu’on voit peu, voire pas, qui sont souvent stigmatisés. Malheureusement, on ne montre pas beaucoup les histoires ou les exemples qu’on peut vivre chez Boost.
La potion magique au final, c’est probablement la confiance en soi. A travers le programme, les jeunes travaillent beaucoup sur cet aspect-là, mais aussi sur un projet scolaire/académique/professionnel concret, où le talent est central. On a tous du talent, on a tous du potentiel, il faut simplement l’identifier avant de pouvoir l’exploiter et pouvoir bénéficier d’un environnement qui permet d’être stimulé dès le plus jeune âge.
Autre élément magique: les jeunes réalisent qu’ils peuvent se battre pour eux, mais aussi pour les autres. C’est assez particulier dans Boost, c’est toute l’importance de l’influence, du role model, de l’inspiration. En réussissant, ils ouvrent la porte pour d’autres qui ne pensaient pas que c’était possible ou qui ne s’en sentaient pas capables.
A travers le volet Collective impact, les ambitions de la FRB et celles de Be education se rejoignent. Quels changements souhaitez-vous apporter par ce partenariat ?
Dans un premier temps, on souhaite que les activités de Be education soient pérennes et qu’elles puissent toucher plus d’acteurs, qu’elles puissent avoir accès à et développer plus d’opportunités. Plus largement, avoir un impact plus grand d’un point de vue géographique.
Nous voudrions conférer plus d’ampleur à vos activités, en ouvrant le réseau, en mettant à disposition l’expertise de certains spécialistes, en valorisant la dimension collective à laquelle on croit beaucoup.
J’aime bien utiliser le terme « écosystémique », c’est-à-dire qu’on a un noyau, Be education, à côté duquel d’autres noyaux sont créés. Et à un moment donné, on les connecte dans une vision écosystémique pour que ces noyaux se connectent et se renforcent au bénéfice de la réussite des jeunes. Be education est un noyau qu’on estime essentiel dans l’enseignement, on voudrait donc qu’il perdure et qu’il se développe davantage, parce qu’il a beaucoup à apporter à d’autres noyaux et que les autres noyaux ont aussi beaucoup à lui apporter.
Au-delà du soutien financier, il y a évidemment la volonté de contribuer aux réflexions, d’apporter l’expertise de la jeunesse au sein du CA, créer des ponts entre Be education et d’autres acteurs. Pour nous, c’est vraiment la première étape d’un plus long parcours.
Merci Farah !
Nous avions débuté notre entretien par demander à Farah si ses choix de carrière empreints d’une dimension sociétale relevaient de la coïncidence ou d’une volonté bien ancrée. Elle avait commencé par nous répondre qu’il s’agissait bel et bien du fruit du hasard, mais après une heure d’échange avec elle, nous n’en étions plus si convaincues – et elle non plus d’ailleurs.
Ses réponses passionnées ont naturellement laissé transparaître les valeurs qui l’animent et le projet professionnel qu’elle incarne: la valorisation et le développement de toutes les formes de talents. Au-delà de ses compétences avérées, de sa détermination à systématiquement placer les jeunes au centre des préoccupations, de sa volonté à participer à un monde plus juste et plus inclusif, de son ambition à participer à une philanthropie engagée, de son éternelle curiosité pour les questions de diversité, de déterminisme social ou de dynamiques sociologiques font d’elle une nouvelle recrue idéale pour renforcer le conseil d’administration de Be education. Merci Farah, ensemble faisons briller la jeunesse d’aujourd’hui et de demain !