Be education vous emmène à la découverte de l’ASBL Des Racines Pour Grandir, dont le projet – gratuit pour les écoles – permet aux élèves l’acquisition et le développement de nombreuses compétences en posant la question de l’origine et de l’identité.
Destiné aux 10-15 ans, le projet invite les élèves à partir à la rencontre d’eux-mêmes et à trouver leur place dans leur famille, la société et l’histoire. À travers lui, les enseignant·es diffusent de manière pluridisciplinaire des compétences transversales tout au long de l’année.
À la tête de l’ASBL et du projet éponyme, on retrouve Vinciane Hanquet, fondatrice et directrice, et Anne Limpens, directrice pédagogique. Elles ont accepté de nous parler plus en détail du projet Racines, de son origine et de son impact sur les élèves, les familles ou encore les enseignant·es.
Premier lundi de septembre, c’est un peu l’effusion dans leurs bureaux. La frénésie typique du début d’année se fait ressentir : on parle de la prochaine grosse réunion d’équipe, des écoles à rappeler et des choses à ne pas oublier.
Enthousiastes et souriantes, Vinciane et Anne nous accueillent et nous parlent avec passion du projet Racines. Chouette, ce lundi matin s’annonce bien.
Deux enseignantes passionnées pour mener la barque
En dehors de leur implication dans le projet, Anne et Vinciane ont un autre point commun, celui d’être avant tout enseignante dans le cœur et dans l’esprit.
Vinciane a été institutrice pendant 40 ans et incarne Des Racines pour Grandir depuis 2012. Ce projet transversal, elle affirme le porter en elle depuis bien avant sa création et sa constitution en ASBL.
Anne est, quant à elle, enseignante dans le secondaire depuis des années. C’est en mettant en place le projet Racines dans sa classe en 2017 qu’elle fait la connaissance de Vinciane. Responsable de classes de 2S, elle désirait (r-)accrocher ses élèves à la motivation et au plaisir d’apprendre. « Pour certains élèves qui étaient réellement en difficulté face à l’acte d’apprendre et face à l’institution scolaire, il y avait vraiment quelque chose à retravailler en partant d’eux, et, pourquoi pas, de leur propre histoire. » Depuis lors, l’implication d’Anne au sein de l’ASBL n’a fait qu’évoluer, au point d’occuper aujourd’hui le poste de directrice pédagogique.
L’histoire du projet Racines
Convaincue des vertus de la pédagogie par projet, Vinciane était une institutrice qui a toujours eu pour habitude d’embarquer ses classes dans des projets d’envergure, comme la mise en scène d’un opéra ou la réalisation d’une maquette de 100 mètres carrés. Selon elle, la mise en projet représente le véritable moteur de l’apprentissage.
« Le moteur interne, c’est le plaisir d’apprendre. Quand un enfant se retrouve dans une spirale positive d’apprentissage, qu’il apprenne la chimie ou la lecture, il intègre qu’apprendre peut être source de plaisir; qu’en apprenant une matière, il est capable d’en apprendre une autre ».
Après avoir mené quelques versions tests, Vinciane lance finalement le projet et crée Des Racines pour Grandir en 2012, sous l’impulsion de Laurence Lievens (Step2you).
« J’avais déjà travaillé sur la notion de racines, d’origines, d’identité, avec une classe précédente à la réputation “ difficile ”. Finalement, je me suis dit autant commencer par travailler sur ce qui les touche le plus : leurs origines. »
Le projet a ensuite évolué grâce aux nombreux apports de toutes les personnes sur le terrain qui y ont pris part : les formatrices, les profs, les élèves. Des outils pédagogiques, comme une farde pour les classes et un guide pour les enseignant·es, ont été élaborés. Racines s’est ancré et développé dans de nombreuses écoles au fil du temps, au point d’accompagner plus de 2000 élèves en 2023-2024.
Une année scolaire avec Des Racines pour Grandir
Généralement, ce sont deux séances d’1h30 par mois qui sont organisées pendant toute l’année scolaire. Une formatrice de l’ASBL co-anime la session avec l’enseignant ou l’enseignante, qui suit d’ailleurs une formation continue pour s’approprier le projet et, dans certains cas, le reconduire avec d’autres classes.
Le point de départ du parcours, c’est la réalisation d’un arbre de vie – différent d’un arbre généalogique -, que les élèves vont agrémenter de leurs proches, de leurs valeurs, de leurs origines. Cet arbre va ensuite être retourné, les ramures vont alors devenir des racines. L’exercice permet de conscientiser les identités multiples de chacun·e pour mieux découvrir son identité propre et ses envies.
Ensuite, pour certains ateliers, les familles qui le désirent peuvent contribuer au projet (dans la classe ou en dehors), par le biais d’une séance photo, d’une interview, d’une présentation de leur histoire. Des ateliers d’écriture ont également lieu pour que les élèves puissent se réapproprier leur histoire. En fin d’année, le projet se termine par une finalité: exposition, réalisation de vidéos, spectacle, etc.
Chaque année des milliers d’élèves et tout autant d’histoires
Comme le souligne Vinciane, accompagner 2000 enfants par an dans ce parcours de vie, c’est aussi accompagner 2000 familles, chacune habitée par sa propre unicité.
L’évolution des situations géopolitiques, la diversité des schémas familiaux, la méconnaissance de certaines cultures – parfois même de la sienne -, les diversités culturelles sont autant d’aspects inhérents aux « racines » qui peuvent parfois rendre le chemin plus difficile. Heureusement, les écoles peuvent miser sur la bienveillance de l’équipe et l’implication des parties prenantes, qui permettent de vivre et de faire vivre le programme de la manière la plus adéquate possible. L’équipe est d’ailleurs formelle à ce sujet: une communication claire et régulière est mise en place tout au long de l’année avec les familles et l’intimité de chacune est respectée, sans obligation de participation.
Les élèves au cœur du projet
Anne et Vinciane sont unanimes : les enfants sont les premiers acteurs et les premiers moteurs du projet. Sans leur implication active, rien ne pourrait se faire.
D’après les formatrices, en dehors de la possibilité d’engendrer du lien entre les familles et les générations, la participation au projet à tendance à développer de nombreuses compétences transversales au sein des classes. Être confronté aux récits des un·es et des autres renforce le respect entre les pairs. Chaque histoire racontée place tout le monde sur un même pied d’égalité, abat certaines peurs ou préjugés et crée des solidarités. Un meilleur vivre-ensemble et une plus grande harmonie sont d’ailleurs généralement constatés au sein des classes.
Les récits peuvent aussi nouer ou renouer le dialogue à des étapes clés du programme. Anne se souvient d’ailleurs d’un moment fort il y a quelques années : « Deux élèves, qui jouaient au foot ensemble et qui étaient copains, se sont rendus compte à travers le programme que l’un était Hutu et que l’autre était Tutsi. Ils l’ont réalisé en classe, c’était un moment magnifique.»
Si pour des élèves, le début du projet pourrait être plus lent ou rébarbatif, son impact au niveau individuel est tout autant bénéfique puisqu’il suscite souvent une meilleure estime de soi et une posture positive face à l’acte d’apprendre.
Vinciane ajoute : « Il y a des va-et-vient entre l’histoire personnelle et l’histoire collective. S’approprier l’histoire collective par le biais de son histoire personnelle, ça aide les jeunes à prendre de la distance par rapport à leur histoire personnelle, mais ça aide aussi à valoriser l’histoire personnelle dans une histoire collective. […] Se dire que j’ai une petite histoire personnelle, immergée dans une histoire familiale, elle-même immergée dans une histoire sociétale, ça donne du poids à la Grande histoire, mais aussi à ma petite histoire. »
L’empreinte du projet Racines
Depuis plus de 10 ans, le projet s’est renforcé notamment grâce à de nombreuses «pépites», comme les appelle Vinciane, soit toutes les personnes qui ont co-construit l’outil sur le terrain et amélioré Racines.
Ce précieux travail a permis à des milliers d’élèves, de familles et d’enseignant·es de vivre une aventure extraordinaire. À l’image des personnes qui le portent, le projet Des Racines Pour Grandir laisse une empreinte indélébile à celles et ceux qui ont eu le plaisir d’y participer.
Racines est né dans une classe de primaire, s’est ensuite répandu dans d’autres classes, pour enfin se développer dans le secondaire, mais également dans les écoles de devoirs. Aujourd’hui, l’ASBL voudrait pouvoir s’ancrer dans l’enseignement spécialisé. Six classes sont déjà prêtes à embarquer pour l’année 2024-2025. L’équipe de Be education est conquise, nul doute que ce nouveau chapitre sera une réussite !
Un grand merci à Vinciane Hanquet et Anne Limpens pour cet entretien.
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