Selon les derniers chiffres, près de 60 000 élèves seraient inscrits dans l’enseignement qualifiant en Fédération Wallonie-Bruxelles. Ce type d’enseignement détient ses propres particularités et chacune de ses parties prenantes fait face à des enjeux bien spécifiques. Aujourd’hui, Be education vous propose de partir à la rencontre de Story-me et d’Entr’apprendre, deux initiatives membres du réseau, qui outillent les élèves et les enseignants et les aident à évoluer sereinement dans l’enseignement qualifiant.
Comment ? En faisant le choix de l’orientation positive, en renforçant l’information et la promotion des métiers ou encore en créant des liens entre le monde de l’école et celui de l’entreprise. Portés par la Fondation pour l’Enseignement, ces deux projets proposent des solutions nécessaires dans le paysage éducatif belge.
Rencontre avec Gaëlle Bomans, responsable des projets et partenariats au sein de la Fondation pour L’enseignement.
- Story-me et Entr’apprendre sont deux projets portés par la Fondation pour l’Enseignement. Pourrais-tu nous expliquer l’ambition d’une Fondation comme la vôtre ?
La Fondation pour l’Enseignement (FPE) a pour objectif de renforcer les collaborations entre le monde de l’école et le monde du travail. Nous le faisons grâce à des projets innovants que nous mettons en place afin de démontrer ce qui fonctionne en matière de collaboration école-entreprise. Ensuite, les résultats de ces différents projets nous permettent de tirer des bonnes pratiques et de développer également des actions de plaidoyer pour faire bouger le système. - Story-me et Entr’apprendre sont deux projets qui contribuent à la revalorisation de l’enseignement qualifiant. Comment la Fondation pour l’Enseignement agit-elle pour le revaloriser et lutter contre les clichés négatifs qui gravitent autour ?
La Fondation mise sur deux grands chantiers prioritaires : l’orientation positive et l’éducation au métier.
Pour l’orientation positive, nous nous focalisons sur les 3 premières années du secondaire en proposant aux élèves et aux enseignant·es de découvrir le monde professionnel et d’intégrer l’éducation orientante à leurs pratiques. L’éducation orientante, c’est le fait de proposer dans le temps scolaire des activités qui vont aider les jeunes à mieux se connaître eux-mêmes, à découvrir la panoplie de métiers possibles – dont les métiers du qualifiants, souvent dévalorisés – de sorte que leur premier choix d’orientation soit un choix éclairé.
Généralement, les élèves en début de secondaire vont, par exemple, envisager le métier d’avocat, de médecin, etc., car ce sont des métiers connus et représentés. Au travers de nos activités, on souhaite leur faire découvrir des métiers hyper importants pour la société comme l’électromécanique, pour n’en citer qu’un, mais qui sont trop peu connus.
Concernant, l’éducation aux métiers, on fait en sorte que les écoles et d’autres acteurs de la société, comme les entreprises, travaillent de pair pour que l’éducation aux métiers soit plus connectée à la réalité du monde du travail. Dans le qualifiant, il y a beaucoup d’enseignant·es qui ne sont pas ou plus en contact avec la vie en entreprise. Or, on voudrait pouvoir les inciter à s’immerger dans le monde du travail et à collaborer avec les entreprises dans le souci de bien préparer leurs élèves à ce qui les attend sur le terrain. - Sur quels constats votre équipe s’est-elle basée pour mettre sur pieds un projet comme Story-me ?
La genèse du projet Story-me remonte à 2017, lorsque plusieurs fondations philanthropiques se sont rassemblées pour travailler ensemble sur la problématique du décrochage scolaire. L’hypothèse de départ était la suivante : il y a beaucoup de jeunes en situation de décrochage scolaire en secondaire et d’autant plus dans les filières qualifiantes.
Ce décrochage scolaire est multifactoriel, mais dans le cadre de l’enseignement qualifiant, il est souvent corrélé à une orientation négative ou à cause du phénomène de relégation vers l’enseignement qualifiant. Ces élèves, déjà très fragilisés par des échecs antérieurs, se retrouvent dans des options souvent dévalorisées par notre société et qui ne leur correspondent peut-être pas.
L’objectif de Story-me, c’est de pouvoir contribuer à la résolution du décrochage scolaire en renforçant l’orientation positive. Le projet s’adresse à des élèves de la 1re à la 3e secondaire et les invite à apprendre à mieux se connaître, à découvrir les métiers vers lesquels l’enseignement qualifiant peut mener et à choisir une orientation qui leur conviendra vraiment. - Concrètement, comment se déroule un parcours d’un an avec Story-me ?
Le parcours 2021-2024, comme on le connaît aujourd’hui, a été mis en œuvre et co-construit avec d’autres associations partenaires, comme Odyssée, Missaly, 100 000 Entrepreneurs Belgique ou encore Step2you. Il se divise en trois étapes différentes qui s’étalent sur une année scolaire.
La première phase se concentre sur la connaissance et l’estime de soi. Nous proposons aux jeunes des ateliers qui vont leur permettre de se poser des questions sur eux-mêmes, de réfléchir à leurs envies, leurs forces, leurs intérêts.
La deuxième étape s’intéresse à la découverte du monde professionnel, grâce à des rencontres et des témoignages avec des représentants du monde du travail qui parlent de leur métier et de la manière dont ils ont posé des choix et surmonté des obstacles pour y parvenir.
La troisième étape consiste en une mise en projet, pendant laquelle on fait travailler les élèves en groupe sur l’exploration d’un métier ou d’un secteur qui les intéressent.
La particularité de Story-me, c’est de pouvoir également accompagner et encourager les enseignant·es dans l’intégration de l’éducation orientante à leurs cours, une mesure d’ailleurs prévue dans le Pacte pour un enseignement d’excellence.
Le parcours Story-me laissera bientôt place à une version 3.0. En 2024-2026, le projet va se focaliser davantage sur l’outillage et l’accompagnement du corps enseignant pour qu’il puisse mettre en place en toute autonomie ces activités et accompagner les jeunes à mieux s’orienter. - Pourrais-tu nous expliquer pourquoi un projet comme Entr’apprendre a vu le jour ? A quoi ressemble l’expérience pour un professeur qui a décidé d’y participer ?
Entr’apprendre a été créé, car beaucoup d’enseignants techniques et professionnels n’ont pas ou plus de liens avec la réalité du monde du travail. On leur propose donc de s’immerger pendant 2 jours en entreprise, sur le terrain, pour (re-)découvrir le métier que leurs élèves exercent plus tard. Peu importe la matière enseignée, chaque prof de l’enseignement qualifiant peut accéder à cette formation reconnue et accréditée par l’organisme de formations IFPC.
Le premier objectif vise à mettre à jour leurs connaissances sur le métier afin de mieux former leurs jeunes à la réalité de terrain et de pouvoir faire des liens entre la matière donnée et le métier concerné.
Le second objectif d’Entr’apprendre est de tisser des liens entre les écoles et l’entreprise visitée pour qu’il y ait une forme de suivi à la fin de cette immersion. Par exemple: inviter des personnes à participer à un jury en fin d’année, organiser une visite de l’entreprise avec la classe, permettre à des élèves d’y effectuer leur stage, etc. - Après la lecture de votre dernière mesure d’impact, on constate que les résultats sont plutôt positifs pour les projets de la Fondation pour l’Enseignement. En dehors des données chiffrées, est-ce qu’il y un feedback positif et récurrent que vous recevez de la part des participant·es à vos programmes ?
Dans le cadre de Story-me, les enseignant·es nous disent souvent que certains élèves, autrefois “absents” ou passifs, ont finalement des étoiles qui s’allument dans leurs yeux ou vivent un déclic à la fin du parcours. La participation au programme ne crée pas forcément des déclics pour tout le monde, mais pour certains, c’est vraiment révélateur et ça crée des vocations. - Lors de la dernière rentrée scolaire, on a vu se mettre en place en Fédération Wallonie-Bruxelles le “Parcours de l’enseignement qualifiant” (PEQ), destiné à améliorer le parcours des élèves qui s’engagent dans l’enseignement qualifiant en favorisant, entre autres, une offre d’options mieux connectée au monde du travail. Qu’est-ce que cette mesure a impliqué pour la Fondation pour l’Enseignement ?
La mise en place du PEQ implique des besoins de formation continue importants au niveau des enseignants puisqu’il y a une révision des cours et des options enseignés. Ces enseignants doivent parfois donner des cours qu’ils n’ont jamais donnés auparavant. Dans le cadre d’Entr’apprendre, il y a beaucoup d’enseignant·es qui ont la nécessité de développer des compétences dans un domaine qui jusqu’ici ne leur était pas attribué. - Qu’est-ce qu’on pourrait vous souhaiter pour l’avenir ?
De manière générale, nous voudrions que ces projets puissent impacter durablement le système éducatif.
Concernant Story-me, on pourrait souhaiter que les enseignant·es s’emparent de l’orientation positive avec les bons outils et puissent accompagner sereinement les élèves dans leurs choix d’orientation.
Pour Entr’appendre, nous désirons que tous les enseignants du qualifiant considèrent la formation en entreprise comme un moyen clé pour renforcer les compétences et l’insertion des jeunes.
Merci Gaëlle pour tes réponses !